1 septembre 2006
5
01
/09
/septembre
/2006
17:29
Ce récit m'a été confié par Alice, je le trouve très beau....
C’ÉTAIT UN AMI .............
Dimanche Alice lui parle au téléphone. Elle dit tendrement des choses simples et parle de sa visite du lendemain. Il murmure, à peine prononcé, à peine audible “ça me fera plaisir”.
Il ne parle presque plus, se limite à de rares gestes. Il y a quelques jours, ils étaient seuls dans la chambre de la clinique. A sa façon réservée, elle lui a parlé avec affection
Il avait les yeux fermés. Elle a posé sa main sur les siennes, glacées et si maigres. Lentement, sans lui répondre, il l’a élévée jusqu’à ses lèvres, pour un baiser silencieux....
Lundi, elle est de retour auprès de lui. Elle est mal, elle a chaud, froid, mais elle voudrait entendre encore sa voix, croiser peut-être son regard incertain, le voir..
Il a une visiteuse. Ils ne pourront rien se dire. Alice parle un peu, mais elle le sent c’est inutile. Elle s’est assise tout près de lui, Ainsi passeront les mots imprononcés, les phrases silencieuses. Il ferme les yeux..
La visiteuse s’éloigne “Mon ami, murmure-t-elle, je suis là, c’est Alice” Il ouvre les yeux, tourne un peu la tête, il voit mal, semble épuisé. Il est déjà trop loin.
Elle vient plusieurs fois chaque semaine, depuis trois mois, s’assied à l’extrémité du lit, pas trop près, pas trop loin, essayant de faire passer sa tendresse. Ils parlent peu. Autrefois, c’était lui qui animait leurs conversations, et elle l’écoutait.
Il y a deux semaines, un après-midi, unis dans un silence, ils écoutaient leurs pensées. Il était assis devant la fenêtre. Sans la regarder, il a dit “Alice, ce fut un grand Amour”. Émue, elle lui sourit “mon ami, C’EST un grand amour” Il a hésité “oui, c’est un grand amour” avec une moue amère de tout laisser, elle et la vie..
Toute la nuit, elle a toussé, s’est réveillée, rendormie, allant et venant dans la maison, absorbant un peu au hasard, cachets et sirop, antigrippe et somnifère. Mais peut-elle être bien quand il quitte si difficilement la vie ?
Elle téléphone le lendemain “il dort, il est sous oxygène”. Elle se sent trop malade pour sortir. Toute la journée ses pensées sont auprès de lui. Elle mène avec lui, ce grand vivant, son dernier combat.
Mercredi, elle se réveille épuisée, elle pourrait téléphoner, mais son instinct la pousse à traverser la ville, pour le voir encore une fois, être avec lui en silence dans la même pièce.
La porte de la chambre est fermée, c’est la première fois depuis des mois. Alice hésite, frappe doucement et entr’ouvre.
Le lit est vide, matelas replié. Elle referme et se retourne désemparée. L’infirmière qui l’a vue venir si souvent vient vers elle, avec un visage de compassion “il est mort ce matin, à sept heures”.
Alice se replie un peu, serre ses bras autour de son corps, tente un sourire. Ses larmes tremblent..
“Mon ami, ma pensée ne vous quittera plus jamais, ne me laissez pas !”
Leur dernier concert en juin, c’était Malher, leur compositeur. Déjà très fatigué, il s’affaissait sur Alice, elle tentait de le relever, il s’excusait, ne se plaignait pas.
Ils sont partis heureux de ce bonheur partagé, il l’a remerciée longuement d’être là....
Ce soir, à la télévision, un essai musical sur Malher, présenté par Bernstein : Thème de la marche funèbre de la Première Symphonie, suivi de “Résurrection”. Le musique est presque inaudible, étrangement lointaine, D’où cela vient-il ? D’elle peut-être ? Alice voudrait déchirer ces sons cotonneux. Enfin l’Abschied du “Chant de la Terre” comme une plainte inconsolable : La solitude humaine, la nostalgie, la mort. “Ewig”...”Ewig”, la voix réapparait enfin pour dire et redire “Eternellement”, “Eternellement”...
“L’Adieu de l’Ami”